5.4 Recombinaison de tableaux

5.4.1 Formats long et large

Le format long d’un tableau de données correspond à un encodage en un minimum de colonnes, les données étant réparties sur un plus grand nombre de lignes en comparaison du format large qui regroupe les données dans plusieurs colonnes successives. Voici un exemple fictif d’un jeu de données au format long :

#       sex treatment value
#    <char>    <char> <num>
# 1:      m   control   1.2
# 2:      f   control   3.4
# 3:      m     test1   4.8
# 4:      f     test1   3.1
# 5:      m     test2   0.9
# 6:      f     test2   1.2

Voici maintenant le même jeu de données présenté dans le format large :

#       sex control test1 test2
#    <char>   <num> <num> <num>
# 1:      m     1.2   4.8   0.9
# 2:      f     3.4   3.1   1.2

Dans le format large, les différents niveaux de la variable facteur treatment deviennent autant de colonnes (donc de variables) séparées, et la variable d’origine n’existe plus de manière explicite. Ces deux tableaux contiennent la même information. Bien évidemment, un seul de ces formats est un tableau cas par variables correct. Le format long sera le bon si toutes les mesures sont réalisées sur des individus différents. Par contre, le format large sera correct, si les différentes mesures ont été faites à chaque fois sur les mêmes individus (dans le cas présent, un seul mâle et une seule femelle auraient alors été mesurés dans les trois situations).

C’est la règle qui veut qu’une ligne corresponde à un et un seul individu statistique dans un tableau cas par variables qui permet de décider si le format long ou le format large est celui qui est correctement encodé.

Encoder correctement un tableau de données n’est pas une chose simple. Il peut y avoir plusieurs manières de le représenter. De plus, beaucoup de scientifiques ignorent ou oublient l’importance de bien encoder un tableau sous forme cas par variables. Lorsque vous souhaitez effectuer une représentation graphique, un format peut convenir mieux qu’un autre également, en fonction de ce que vous souhaitez visualiser sur le graphique. Il est donc important de connaître les fonctions permettant de recombiner un tableau de données d’une forme vers l’autre : spivot_longer()/pivot_longer() et spivot_wider()/pivot_wider().

L’aide-mémoire Data tidying with tidyr est un outil pratique pour vous aider à retrouver les fonctions. Les explications relatives à cette partie s’y trouvent dans la section Reshape Data.

L’utilisation des fonction spivot_longer() et spivot_wider() de SciViews::R ou pivot_longer() et pivot_wider() du package {tidyr} est également décrite en détails dans R for Data Science (2e).

Prenons l’exemple d’un jeu de données provenant de l’article scientifique suivant : Paleomicrobiology to investigate copper resistance in bacteria: isolation and description of Cupriavidus necator B9 in the soil of a medieval foundry. L’article est basé sur l’analyse métagénomique de type “shotgun” de quatre communautés microbiennes (notées c1, c4, c7 et c10, respectivement)30. Il en résulte une longue liste de séquences que l’on peut attribuer à des règnes.

shotgun_wide <- dtx(
  kingdom = c("Archaea", "Bacteria", "Eukaryota", "Viruses",
              "other sequences", "unassigned", "unclassified sequences"),
  c1      = c( 98379, 6665903, 81593, 1245, 757, 1320419, 15508),
  c4      = c( 217985, 9739134, 101834, 4867, 1406, 2311326, 21572),
  c7      = c( 143314, 7103244, 71111, 5181, 907, 1600886, 14423),
  c10     = c(272541, 15966053, 150918, 15303, 2688, 3268646, 35024))

rmarkdown::paged_table(shotgun_wide)

Ce tableau est clair et lisible… seulement, est-il correctement encodé en cas par variables d’après vous ? Quelle que soit la réponse à cette question, il est toujours possible de passer de ce format large à un format long dans R de la façon suivante :

shotgun_long <- spivot_longer(shotgun_wide, cols = c(c1, c4, c7, c10),
  names_to = "batch", values_to = "sequences")

rmarkdown::paged_table(shotgun_long)

L’argument cols = est assez flexible. Toutes les formes ci-dessous permettent d’obtenir le même résultat (ici, nous passons sur la fonction tidy pivot_longer() équivalente).

shotgun_long <- pivot_longer(shotgun_wide, cols = c1:c10,
  names_to = "batch", values_to = "sequences")
shotgun_long <- pivot_longer(shotgun_wide, cols = 2:5,
  names_to = "batch", values_to = "sequences")
shotgun_long <- pivot_longer(shotgun_wide, cols = starts_with("c"),
  names_to = "batch", values_to = "sequences")

Voici la logique derrière pivot_longer(), présentée sous forme d’une animation :

pivot_longer() par apreshill.
pivot_longer() par apreshill.

Vous conviendrez que le tableau nommé shotgun_long est moins compact et moins aisé à lire comparé à shotgun_wide. C’est une raison qui fait que beaucoup de scientifiques sont tentés d’utiliser le format large alors qu’ici il ne correspond pas à un tableau cas par variables correct, puisqu’il est impossible que les mêmes individus soient présents dans les différents lots (il s’agit de communautés microbiennes indépendantes les unes des autres). De plus, seul le format shotgun_long permet de produire des graphiques pertinents31.

chart(data = shotgun_long, sequences ~ batch %fill=% kingdom) +
  geom_col(position = "fill")

Essayez de réaliser ce type de graphique en partant de shotgun_wide… Bonne chance !

Très souvent, lorsqu’il est impossible de réaliser un graphique avec chart() ou ggplot() parce que les données se présentent mal, c’est parce que le jeu de données est encodé de manière incorrecte ! Si les données sont, par contre, correctement encodées, demandez-vous alors si le graphique que vous voulez faire est pertinent.

À vous de jouer !
h5p

Pour passer du format long au format large (traitement inverse à (s)pivot_longer()), il faut utiliser la fonction tidy pivot_wider() ou la fonction speedy spivot_wider(). Ainsi pour retrouver le tableau d’origine (ou quelque chose de très semblable) à partir de shotgun_long nous utiliserons :

shotgun_wide2 <- spivot_wider(shotgun_long,
  names_from  = batch, values_from = sequences) 

rmarkdown::paged_table(shotgun_wide2)

5.4.2 Recombinaison de variables

Parfois, ce sont les variables qui sont encodées de manière inappropriée par rapport aux analyses que vous souhaitez faire. Les fonctions speedy sseparate() et sunite()ou les fonctions tidy separate() et unite() permettent de séparer une colonne en plusieurs, ou inversement, de rassembler plusieurs colonnes en une seule.

L’aide-mémoire Data tidying with tidyr vous rappelle ces fonctions dans sa section Split Cells. Elles sont également décrites en détail dans R for Data Science.

Partons, par exemple, du jeu de données sur la biométrie des crabes du package {MASS} :

crabs <- read("crabs", package = "MASS", lang = "fr")
rmarkdown::paged_table(crabs)

Les fonctions sunite() ou unite() permettent de combiner facilement les colonnes sex et species comme montré dans l’exemple ci-dessous. N’hésitez pas à faire appel à la page d’aide de la fonction via ?unite pour vous guider.

crabs2 <- sunite(crabs, col = "sp_sex", species, sex, sep = "_")
rmarkdown::paged_table(crabs2)

Les fonctions complémentaires à (s)unite() sont sseparate() et separate(). Elles permettent de séparer une variable en deux ou plusieurs colonnes. Donc, pour retrouver un tableau similaire à celui d’origine, nous pourrons faire :

crabs3 <- sseparate(crabs2, col = "sp_sex", into = c("species", "sex"), sep = "_")
rmarkdown::paged_table(crabs3)
À vous de jouer !

Effectuez maintenant les exercices du tutoriel A05La_recombination (Recombinaison de tableaux).

BioDataScience1::run("A05La_recombination")

  1. Les analyses métagénomiques coûtent très cher. Il est souvent impossible de faire des répliquas. Un seul échantillon d’ADN a donc été séquencé ici pour chaque communauté.↩︎

  2. Notez malgré tout que, à condition de bien en comprendre les implications, le format complémentaire peut se justifier dans une publication pour y présenter un tableau le plus lisible possible, ce qui est le cas ici. Mais pour les analyses, c’est le format qui correspond à un tableau cas par variables qui doit être utilisé.↩︎